MES PRÉVISIONS EN VUE DE LA PAIX
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J’admettais que l’Allemagne pourrait payer
1° Dans un délai d’un an, à dater de la signature dutraité, une somme de 6 milliards ;
2° Vingt annuités de 1 800 millions chacune, à payerpendant les vingt années suivantes.
Soit au total 42 milliards.
Il faut tenir compte que ce projet date du moisd’août 1916, c’est-à-dire plus de deux ans avant la fin dela guerre, que, depuis, les ruines se sont accumulées surnotre sol, et que si j’avais eu à donner mon avis en 1918j’aurais certainement augmenté mes estimations de 1916.
D’autre part, je ne me faisais pas d’illusions sur la pos-sibilité de faire payer intégralement aux Allemands tousles dégâts qu’ils nous avaient causés. Selon l’expressionpopulaire, mieux valait tenir que courir. Et il était préfé-rable de fixer un forfait à faire payer aux Allemands, et d’en assurer avec fermeté le versement, que d’attendred’un inventaire l’énoncé théorique d’une indemnité plusconsidérable, que les Allemands arriveraient à ne paspayer.
Je réclamais, en sus, le remboursement :
1° De toutes les contributions en argent levées par lesAllemands en France et en Belgique ;
2° Des machines et matières premières enlevées dans lespays occupés (le remplacement aurait lieu en nature) ;
3° Des bateaux de commerce coulés par la marine alle-mande.
Par contre, je défalquais sur les 6 milliards :
a) La valeur des propriétés fiscales du bassin houillerde la Sarre, qui seraient annexées à la France ;
b) Le matériel des chemins de fer qui serait réquisitionnépar l’Entente.
Comme garantie du paiement de l’indemnité, et jusqu’àextinction totale de la dette, tous les États de l’Empireallemand seraient considérés comme solidaires, quel quesoit leur sort futur, et l’Entente occuperait militairementles territoires de la rive gauche. Elle occuperait égalementpendant un temps variable les têtes de pont de la rive