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MÉMOIRES DE MARÉCHAL JOFFRE
des opérations par des stratèges en chambre qui ignoraienttout de la guerre, des conditions particulières dans les-quelles nous nous trouvions et des difficultés auxquellesnous nous heurtions, tant en ce qui nous concernait direc-tement qu’en ce qui regardait nos relations avec nos alliés ?Et dans un temps où le salut du pays exigeait que la con-corde et l’union fussent la suprême loi, pouvait-on laisser sedéchaîner des articles qui dressaient l’avant contre l’arrière,la troupe contre les états-majors, les fantassins contre lesartilleurs, l’armée contre ses chefs?
La France , diront certains, avait conquis ses libertéspolitiques et il lui était dur de renoncer à celle de la presseà laquelle elle tenait. Le soldat de la tranchée n’avait-ilpas, lui, abandonné toutes ses libertés pour venir défendrela liberté tout court et l’existence du pays menacéespar l’envahisseur? Si la guerre faisait un devoir aux ci-toyens mobilisés de sacrifier leur vie, ne pouvait-on de-mander aux citoyens de l’arrière de sacrifier pour un tempsleur droit de parler et leur imposer la loi du silence ?
Dans les premies jours de l’année 1916, les intempé-rances de la presse prirent une telle allure, que je dus in-tervenir directement auprès du gouvernement.
Le 14 janvier, je remis moi-même au général Gallieni,ministre de la Guerre, une lettre dans laquelle j’attiraisson attention sur cette question :
Le général commandant en chefà Monsieur le ministre de la Guerre.
( Cabinet-Personnelle).
Au grand quartier général, le 14 janvier 1916 .
Dans ces dernières semaines, les critiques adressées parcertains journaux au commandement se sont répétées de tellemanière qu’elles semblent prendre le caractère d’une véritablecampagne de malveillance.
Je citerai VHomme enchaîné , Paris-Midi , la Victoire.
Je rappelle également la publication par le Journaldu 10 janvier d’un document adressé au sous-secrétariat d’État