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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
général en chef est responsable devant le gouvernementqui peut le relever s’il n’approuve pas ses actes. Il ne peuty avoir d’autre contrôle pendant l’action (1). » J’avais àredouter, non pour moi-même mais pour les intérêtssupérieurs de l’armée, les atteintes à la discipline quedes propos, tenus à des parlementaires en mission par desofficiers mal renseignés ou désireux de se mettre en lu-mière, ne manqueraient pas d’apporter quand le contrôlefonctionnerait. De plus, malgré que la Chambre eût affirméne pas vouloir s’immiscer dans la conduite des opérations,je sentais que des entraves m’étaient peu à peu imposéesdans l’exercice de mon commandement. En particulier,j’estimais que ma responsabilité vis-à-vis de ma conscienceet du pays était trop lourdement engagée pour que jene fusse pas libre de choisir les généraux chargés des postesles plus importants. Sur cette question, une lente et défa-vorable évolution s’accomplissait. Sous le ministère deM. Millerand, toutes les propositions de promotions queje transmettais étaient acceptées sans modifications ;avec le général Gallieni, certains noms que je proposaisétaient rayés, mais on ne les remplaçait pas par d’autres ;je restais donc libre de faire de nouvelles propositions pourdonner des titulaires aux postes vacants. Quand le géné-ral Roques arriva rue Saint-Dominique, le ministère merenvoyait mes propositions après y avoir rayé des nomset les avoir remplacés par d’autres.
Cette ingérence du gouvernement dans la distributiondes commandements, qui alla en s’accentuant comme on leverra dans la suite de ce chapitre, se manifesta sous la formed’une lettre que le ministre m’adressa le 23 mars 1916 (2)dans laquelle il me demandait instamment de retirer leurcommandement aux généraux Dubail, de Langle , de Vïl-laret et d'Urbal, et de donner le commandement d’unearmée au général Gérard.
Pour ce qui concerne le général Dubail, je lui écrivis,
(1) 3 e partie, chap v, p. 149.
(2) Dossier strictement personnel du général commandant enchef. Vol. II, cahier 3, pièce 74.