LE G. Q. G. DE CHANTILLY
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quartier général. On laissait s’accréditer la légende queChantilly était devenu une ville où on songeait plus auplaisir qu’à la guerre (1). On s’étonnait que le nombre desofficiers du grand quartier général ait crû depuis la stabi-lisation dans des proportions qui paraissaient inadmis-sibles aux ignorants. Sur ce dernier chapitre, je ne m’abais-serai pas à faire des statistiques. Mais qu’il me suffisede dire que l’accroissement des officiers de l’état-majorau cours de la guerre de position a été un phénomène quis’est imposé, dans les plus petites imités comme dans lesplus grandes, en particulier par le développement de cer-tains services de l’arrière qui, au début de la campagne,n’avaient qu’une faible importance, et qui en prenaientchaque jour une plus grande. Et je suis sûr que si on com-parait l’effectif des états-majors dans les différents grandsquartiers généraux alliés ou ennemis, on trouverait que,compte tenu des effectifs respectivement mis en ligne, legrand quartier général français était un des plus modesteset l’un de ceux où l’on travaillait le plus.
Tout cela ne constituerait qu’un amas de petites chosesauxquelles je n’aurais pas attaché d’importance, si cesbruits malveillants et tendancieux ne s’étaient propagés
(1) Je ne saurais évidemment me porter garant de la vertu destrois cents officiers de tous grades qui constituaient le grand quartiergénéral ; tout ce que je puis dire, c’est que, dans mon entourage immé-diat, les officiers étaient à leur service de 7 heures du matin à11 heures du soir, et que certains, comme le général Pellé, passaienta plus grande partie de leurs nuits à travailler.
En ce qui concerne le luxe du grand quartier général, je citeraiun petit détail personnel :
Le 1 er janvier 1916, à la suite d’un déjeuner auquel j’avais conviéle président de la République, le président du Conseil, le généralGallieni, le général Douglas Haig et les commandants de groupesd’armées, l’aide de camp du général D. Haig, major Fluttir, demandaà mon officier d’ordonnance, le commandant Thouzellier, des ren-seignements sur l’organisation de ma maison et de ma table que lecommandant en chef anglais voulait copier. La vie très large de lamaison du maréchal French lui avait paru trop luxueuse et tropcoûteuse et il voulait imiter la simplicité qu’il avait remarquéechez moi.