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2 (1932)
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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFERE

dans un pays dont les nerfs étaient soumis à une trop rudeépreuve pour quon acceptât de le laisser sagacer par descampagnes qui devaient finir par jeter le trouble dansles esprits.

Le 7 juillet, alors que le Comité secret du Sénat sepoursuivait, le ministre de la Guerre vint me voir. Aprèsmavoir demandé des précisions sur les opérations encours dans la Somme, il me posa des questions sur lespoints qui tenaient particulièrement à cœur aux milieuxpolitiques, je veux dire : le contrôle parlementaire et laréduction des effectifs du grand quartier général. Je luirépondis que je ne perdrais pas de vue ces questions, maisque pour linstant, lapplication de ces mesures me parais-sait inopportune : la bataille de la Somme était à sondébut et réclamait toute mon attention.

Le général Roques, qui se reconnaissait, depuis quilétait ministre, de profonds talents politiques, me donna,en me quittant, quelques conseils : « Je connais bien lesparlementaires, me dit-il. Ce quil faut, cest paraître leurdonner satisfaction et ne pas leur opposer de refus brutal.Alors, je leur cède toujours sur de petites choses, et ils senvont contents. »

« Cest, en effet, très adroit, lui répondis-je. Mais quandtu nauras plus de petites choses à leur céder, tu devrasleur faire des concessions sur les grandes. Et quand lesgrandes y seront passées, ils te flanqueront à la porte. »

La manière que me vantait le général Roques nétaitpas la mienne.

On a vu, dans le cours de ce récit, que je mefforçaisà faire respecter mes prérogatives, non par amour-propreni par vanité personnelle mais parce que je considéraiscomme dun élémentaire bon sens de voir celui qui avaitdes responsabilités conserver les moyens de les porter.Et jai dit, dans le chapitre que jai consacré à la bataillede la Somme, lincident qui surgit entre Roques et moià loccasion dun voyage du président de la République àVerdun. La règle que je posai avec fermeté daccompagnerles membres du gouvernement dans leurs visites au front,