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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
Avant d’étudier, comme vous m’y invitez, les conditionsd’application de ce double contrôle au cours des opérations,il me semble indispensable de rappeler quelles limites on doitlui imposer, sous peine de compromettre l’exercice du comman-dement et la défense du pays.
Ces limites me paraissent avoir été clairement définies parl'ordre du jour même de la Chambre des députés du 22 juin,par les paroles prononcées par M. le président du Conseil, aucours de la discussion de la proposition de résolution deM. André Tardieu et par toute la discussion de cette proposi-tion.
La conception, la direction, l’exécution des opérations ontété exclues par le Parlement lui-même du contrôle parlemen-taire.
Vous ajoutez néanmoins que « les deux Assemblées entendents’assurer que toutes les précautions matérielles sont prises,tant pour l’organisation de la défensive que pour la bonneexécution des offensives ».
Il convient d’observer, à ce sujet, que les délégués du Parle-ment ne pourront obtenir ces assurances qu’en prenant com-plète connaissance de la répartition des ressources mises à ladisposition du commandement, en se rendant compte des objec-tifs qu’il poursuit, et en suivant les mesures qu’il prend pourles atteindre, toutes choses qui appartiennent essentiellementà la conduite des opérations.
J’estime qu’il y aurait les plus graves dangers pour la défensedu pays à autoriser des communications de cet ordre.
Vous ajoutez que, pour fournir vous-même au Parlementtoutes les explications exigées et pour répondre à toutes lesquestions d’ordre militaire qui peuvent vous être posées, vousavez décidé d’instituer un organe de l’état-major général,chargé de vous tenir constamment au courant des opérations.
Il importe d’éviter à cet égard tout malentendu.
Je suis prêt, comme je l’ai toujours été, à faire mettre à votredisposition tous renseignements sur les opérations passées.
Je suis prêt également à vous fournir personnellement lesexplications que vous pourrez désirer.
Mais, si je dois être soumis à un contrôle permanent, si enplus des graves responsabilités qui m’incombent, je dois, àchaque instant, me préoccuper d’expliquer au gouvernementet de justifier vis-à-vis de lui les dispositions prises par moi,je ne saurais m’y prêter; car cette préoccupation m’enlèverait