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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
ral Dartige du Fournet n’avait pas pris immédiatementles mesures qu’imposaient le souci de la dignité de laFrance et celui de la sécurité de nos soldats.
Le 3 décembre dans la matinée, de nouveaux détailsnous parvinrent de cette triste affaire. Non seulement lesang français avait coulé, mais notre prestige avait reçuun coup qui risquait d’être irréparable, car le gouverne-ment ne paraissait pas disposé à prendre vis-à-vis du roiConstantin les mesures que notre honneur et notre sûretédevaient imposer. Il y avait à ce moment en Grèce deuxgouvernements, l’un qui se battait contre nous, l’autre quise battait à nos côtés. Le doute n’était plus permis. Cejour-là, je reçus un télégramme du général Sarrail tenantle langage qu’il fallait et réclamant l’autorisation de mar-cher immédiatement contre Larissa.
Après avoir conféré avec le général Pellé, je décidai deme rendre auprès du président du Conseil pour lui direles mesures énergiques que je préconisais et lui communi-quer le télégramme du général Sarrail dont j’approuvaisles termes.
Je fus reçu chez M. Briand à 11 h. 45. Nous traitâmesensemble la question grecque. La conclusion de notredélibération fut l’envoi au général Sarrail d’un télégrammelui prescrivant de n’entreprendre aucune opération contreLarissa sans nouvelles instructions du gouvernement, maislui faisant connaître que la 60 e division et la 16 e divisioncoloniale, en cours de transport pour Salonique, allaientêtre déroutées et dirigées sur le Pirée.
Lorsque cette question eut été réglée, M. Briand megarda à déjeuner. Il aborda alors la question politique.
A ma grande surprise, il me dit que l’opinion du Parle-ment lui causait de vives inquiétudes, et que pour laramener au calme, il ne voyait qu’une solution : une réformeprofonde du haut commandement, faute de quoi le mi-nistère tomberait , ce qui serait grave, aucune autre combinai-son n’étant actuellement viable. Par surcroît, la chute duministère entraînerait une crise dans la conduite des opé-rations. C’était ce double danger qu’il fallait éviter. Le