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2 (1932)
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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE

par intérim, soit qualifié, malgré ses brillantes qualités,pour diriger la guerre? Que sera-ce le jour le ministrede la Guerre sera un civil? »

Or, il y avait dès maintenant des ordres à donner,dont pouvaient dépendre les opérations à venir. Qui devaitfaire préparer ces ordres? Qui les signerait?

Le Président se tenait scrupuleusement à son rôle cons-titutionnel et il était dautant moins désireux de paraîtreprendre parti, quil savait le Parlement très houleux ettrès divisé; comme je lai déjà dit, il avait une crainteintense que les opérations militaires ne reprissent à brefdélai sur la Somme et la perspective de mon éloignementde la direction des opérations devait lui paraître une solu-tion inespérée pour écarter léventualité qui leffrayait.

Pour toutes ces raisons, le Président se contenta deprendre note de ce que je disais, sans me donner l'impres-sion qu'il partageait mon opinion.

Je vis M. Briand un instant avant de quitter Paris. Lui aussi restait sibyllin et nuageux. Il venait de fairesubir à son nouveau ministère lépreuve dune premièreséance à la Chambre. Il avait essuyé de violents discours.Néanmoins, le nouveau ministère avait eu une majoritéde 314 voix contre 165.

Je rentrai le soir à Chantilly. Je gardai à dîner le gé-néral Nivelle que javais rencontré dans laprès-midi auministère de la Marine. Le nouveau commandant en chefdes armées du Nord et du Nord-Est me témoignait unegrande déférence, et une très vive reconnaissance pour sonélévation inattendue au sommet de la hiérarchie quil disaitme devoir. Mais la satisfaction quil éprouvait de cetterapide ascension était tempérée par linquiétude quilressentait à assumer brusquement daussi redoutablesresponsabilités. Il semblait qu'il prévoyait déjà les dif-ficultés quil nallait pas tarder à rencontrer dans son com-mandement et qui amenèrent sa chute aussi promptequavait été rapide son ascension.

Il partit à 21 heures pour Souilly, il allait passer soncommandement au général Guillaumat, qui venait prendre