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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
officiers qui séjourneront alternativement au quartier généralde l’armée d’Orient.
Avec le recul du temps, cette question des liaisons neparaît peut-être plus avoir toute l’importance que j’yattachais alors. Elle était cependant fondamentale. Pendanttout le temps que j’ai commandé les armées françaises, jen’ai exercé mon action qu’en me faisant étroitement rensei-gner par mes officiers. Je Vai déjà dit, et je ne me lasserai pasde le répéter. Depuis que le chef ne peut plus tout voir parlui-même , il faut qu’il voie par les yeux de collaborateursdans lesquels il a confiance. Me priver de la possibilité deme renseigner, c’était me retirer les moyens de commander.
Ce fut au reçu de ces deux lettres ministérielles queje rédigeai deux lettres de démission :
L’une adressée au ministre de la Guerre, l’autre au pré-sident du Conseil. Sachant que le Comité secret du Sénatse terminait ce jour-là, je résolus de les envoyer à Paris lesoir même.
Elles étaient écrites, lorsque le colonel Pénelon vintme rendre compte de ce qui se passait à Paris .
Le général Lyautey arrivé le matin même, après avoirmandé auprès de lui le général Nivelle, n’avait accepté deprendre le ministère de la Guerre qu’à certaines conditionset avait demandé qu’on déterminât de façon précisequelles seraient ses attributions. Un Conseil des ministresétait convoqué à cet effet, le soir même à 21 heures, àl’Elysée , à l’issue du Comité secret du Sénat. D’autre part,M. Briand me-faisait prier, dans l’après-midi, de venir levoir le 25 à 9 heures et demie.
Tout cela n’était pas pour modifier ma décision quiétait maintenant définitive. Je le dis au colonel Pénelon,qui insista pour que tout au moins j'ajournasse cette réso-lution. Il me représenta que la personnalité de l’amiralLacaze avait pu donner aux événements une tournureparticulière, que le général Lyautey n’épouserait sans doutepas la manière de voir de son intérimaire et qu’il convenaitd’attendre encore les décisions qui seraient prises au Conseil