Print 
2 (1932)
Place and Date of Creation
Page
430
Turn right 90°Turn left 90°
  
  
  
  
  
 
Download single image
 
  

430

MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE

Je lui exposai le but de ma visite : il y avait un intérêtmajeur à faire cesser au plus tôt la crise dans laquellele commandement se débattait depuis près dun mois. Sila délimitation de mes attributions tardait, si la solutionadoptée devait restreindre mon autorité au point de neplus faire de moi quun inutile organe de transmission,cest-à-dire si la définition de mes pouvoirs devait restertelle quelle était indiquée dans la lettre du 22 décembredu ministre de la Guerre par intérim, fêtais décidé àremettre immédiatement ma démission au gouvernement.M. Briand me répondit quil sentait comme moi la néces-sité de clore au plus vite une crise qui ne pouvait quêtrepréjudiciable aux intérêts de la France et de ses Alliés,et il me demanda de ne pas mettre mon projet à exécution ,alléguant leffet produit par mon départ sur lopinion enFrance , chez nos alliés et chez l'ennemi. Il maffirma pourconclure que le gouvernement me gardait toute sa confiance.Cette affirmation était certainement sincère , mais jétaismaintenant trop éclairé sur la situation politique pour nepas comprendre que M. Briand n'était plus libre de mettreses actes gouvernementaux daccord avec son sentiment.Et je le quittai en lui répétant mon intention formelle dedémissionner. Au moment je partais, il me demanda derevenir le voir le lendemain, sexcusant de ne pouvoir meprier de venir déjeuner avec lui.

Laprès-midi je vis le général Lyautey ; tout de suite,et de lui-même, il me dit quil estimait que les questionsde conduite et de coordination des opérations ne pouvaientpas être du ressort du gouvernement ; une pareille solu-tion devait être écartée, car lhistoire donnait dillustreset décisifs exemples de ses inconvénients. A son avis, jedemeurais le seul susceptible dexercer ces fonctions decoordination ; même il voulut bien ajouter quautourde moi les Alliés avaient fait l'union , reconnaissaientspontanément ma direction , et que mon éloignementde ces hautes fonctions compromettrait lunité dactiondont on métait redevable. Toutefois, il ne me cachapas que de grosses difficultés existaient en raison de