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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
ne vaut pas mieux ; ensuite, parce qu’après avoir rompul’unité de commandement dans nos armées, nous étionsmal venus à réclamer auprès de nos alliés l’établissementd’une direction suprême. La crise de décembre 1916 adonc contribué à retarder l’adoption d’un commandementunique que j’avais réalisé en fait en décembre 1915, etqui ne fut retrouvé — après quelles épreuves — qu’auprintemps 1918.
Ce n’est pas tout. Le changement de commandant enchef des armées françaises du Nord-Est n’aurait eu surl’exécution du plan de campagne de 1917, que j’avais faitapprouver par les Alliés en novembre 1916, qu’une influenceminime, si j’avais conservé la direction supérieure desopérations, car j’aurais consacré tous mes efforts à faireappliquer ce plan sans le moindre retard. Moi parti, legénéral Nivelle bouleversa les plans à tel point qu’unnouveau réajustement et de nouvelles ententes avec nosalliés s’imposèrent. Loin de critiquer le général Nivelle,j’estime qu’il agit selon ses droits et même selon sesdevoirs. Responsable devant le gouvernement, il ne devait,en conscience, appliquer que le plan qui lui paraissaitle meilleur. Au reste, on aurait mal compris qu’un chan-gement de commandant en chef n’amenât pas de nouvellesformules, d’autant plus que le président de la Républiquese faisait l’ardent protagoniste d’un changement de mé-thode et qu’il ne redoutait rien tant que de voir la ba-taille de la Somme se rallumer. Le résultat de ce change-ment fut, avant toute chose, un irrémédiable retard dansles attaques alliées du printemps 1917. Au lieu d’attaquerles Allemands en février, l’offensive franco-anglaise ne sedéclencha qu’en avril et le recul auquel Hindenburg eutle temps de procéder à son aise, fit tomber cette offensivedans le vide. J’ai dit déjà, et je le répète, que si nous avionseu la constance de relancer en l’amplifiant la bataille quel’hiver avait interrompue, les Allemands étaient terrassés.Ils l’ont reconnu eux-mêmes précisément en effectuant cerecul qui est un aveu plus éloquent que tout discours.Quelle responsabilité porteront devant l’Histoire ceux