MON DÉPART
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qui ont ainsi sauvé l’ennemi d’une défaite à laquelle ils’attendait et dont ses tentatives de paix de décembre 1916montrent qu’il avait l’exacte conscience.
Une crise de commandement est toujours délicate et cri-tique en pleine guerre. Celle de décembre 1916 s’est pro-duite au moment le plus inopportun.
Je crois avoir montré par le récit que j’en viens de faire,qu’il n’était dans l’esprit ni du président du Conseil nidu président de la République de pousser le changementqui s’accomplit jusqu’au point où il parvint.
A l’origine de cette crise il y a — si on y regarde deprès — la croissante faiblesse du gouvernement vis-à-vis desChambres. Le Parlement, sous couleur de contrôle, empié-tait peu à peu sur les attributions gouvernementales. Lajuste crainte du danger en 1914, la froide volonté deM. Millerand en 1915, élevèrent contre ces prétentionscroissantes une digue efficace. Le départ de M. Millerand,puis, après le bref passage de Gallieni aux affaires, la fai-blesse du général Roques — (qu’il prenait pour de l’habi-leté) — amenèrent la confusion des pouvoirs au pointoù elle se trouvait au début du Comité secret en dé-cembre 1916.
A ce moment, M. Briand espérait maîtriser la crise. Sesespérances furent déjouées, et il était logique qu’elles lefussent, car il y a des courants qu’on ne remonte que parla fermeté , et M. Briand n’avait que de l’habileté et dela souplesse. Un remaniement dans son ministère et l’an-nonce de grandes modifications dans le commandement neparurent à l’opinion parlementaire'que des victoires incom-plètes. Le président du Conseil, trop intelligent pour nepas voir l’utilité qu’il y avait à lui tenir tête, était tropopportuniste pour lui résister, alors qu’il lui avait déjàtant cédé. Ses manœuvres l’amenèrent à une impasse dontje le tirai, à son grand soulagement , par ma démission.
Le président de la République, qui dominait ce tristedébat, était aussi intelligent que M. Briand et son habitudedes affaires lui donnait une très grande aptitude à saisiravec rapidité une question. Mais il était inquiet de l’opi-