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2 (1932)
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MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFHE

nion publique, et impressionné par lopposition quil sen-tait grandir dans le Parlement. Les attaques dont il étaitlobjet de la part de ses adversaires politiques, le préoccu-paient visiblement ; et je regrettais pour cet honnêtehomme et ce grand patriote quil ne sût trouver dans laconscience de ses devoirs quil accomplissait avec passion,la force de mépriser ces attaques.

Je citerai un curieux exemple de létat desprit danslequel M. Poincaré se trouvait à ce moment.

Jai dit quil était de pratique courante dans les milieuxparlementaires de parler avec indignation de la « vie deChantilly ». Mon départ parut une bonne occasion pourfaire cesser ce soi-disant scandale. Et lun des premierspoints sur lesquels le Président appela lattention dugénéral Nivelle, ce fut sur lurgence de déplacer le grandquartier général. Chantilly se prêtait parfaitement àlinstallation dun grand quartier général : la ville étaitassez petite pour quon pût y exercer une surveillancefacile des étrangers et des indiscrets, mais assez grandepour permettre dy grouper tous les services et tous lesbureaux. Sa position était favorable aux liaisons avec lesgroupes darmées du Nord et du Centre lactivité mili-taire était localisée, et avec le grand quartier généralbritannique. Elle était favorable à mes liaisons avec legouvernement. Nimporte. Il fallut transporter le grandquartier général à Beauvais , qui était plus loin du front,et très excentrique par rapport aux armées françaises.Et il en coûta 5 ou 600 000 francs au Trésor, rien que pourtransporter à Beauvais lénorme organisation télépho-nique et télégraphique quon avait peu à peu réalisée àChantilly, sans parler du trouble que ce déménagementapporta dans les communications du grand quartier géné-ral. Tout cela parce qu 'une opinion publique mal informéeavait décrété que Chantilly était devenue une nouvelleSodome.

Cest la même crainte de lopinion publique qui faisaittant redouter au Président la publication de ma lettre dedémission.