MON DÉPART
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D’ailleurs, la remise du bâton de maréchal de Francequi me fut faite, comme je l’ai dit plus haut, par le pré-sident de la République, dans son cabinet, avec commeunique témoin le ministre de la Guerre était à elle seule,sans que j’aie besoin d’en dire plus long, l’indice d’un étatd’esprit dont j’ai essayé d’esquisser les causes. Je le cons-tate sans m'en plaindre , car on ne m’a jamais reprochéd'aimer outre mesure la parade, mais je pense que jamaisbâton de Maréchal ne fut remis dans un plus modeste etplus discret appareil.
Enfin, le général Lyautey, ministre de la Guerre, quiarriva à Paris quatre jours avant mon départ (1), joua luiaussi dans les dernières heures de cette crise, un rôleinattendu.
Tout le monde connaît le général Lyautey et les servicesqu’il a rendus à la France , en particulier l’œuvre qu’ila accomplie au Maroc . On ne doit pas oublier qu’au débutdu conflit, alors qu’on le priait de se replier sur les ports dela côte marocaine et d’abandonner l’intérieur de l’Empirechérifien en attendant des jours meilleurs, il a su, par sonprestige personnel et par d’heureuses mesures, éviter cerecul qui nous eût été funeste, tout en expédiant vers lethéâtre de la guerre plus de troupes qu’on ne lui en de-mandait. De pareils actes sont la marque d’un chef auxvues larges et que les responsabilités n’effraient pas.
Quand M. Briand voulut dénouer la crise ministériellequ’il avait ouverte lui-même le 9 décembre, il fit appel àLyautey pour remplacer Roques. Lyautey, bien qu’éloignéde la capitale, était assez renseigné pour se douter des diffi-cultés auxquelles il allait se heurter. Il partit sans enthou-siasme et posa comme condition que le général Gouraud luirendrait sa place au Maroc au cas où lui-même abandon-nerait son portefeuille. Et cela suffirait à montrer que Lyau-tey avait une foi médiocre dans la durée de son ministère.Malgré cela, sa première pensée fut de réclamer pour lui-
(1) Le général Lyautey arriva le 22 décembre à Paris et j’airemis ma démission le 26,