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avoir lieu, comme j’en avais formé le projet, dès le moisde février 1917, c’est-à-dire en un moment où les Alle-mands n’avaient encore pas le loisir de négliger l’arméerusse.
Cependant, à l’horizon, une lueur d’espérance venaitpercer les ténèbres qui nous enveloppaient : les relationsde l’Allemagne avec les États-Unis se tendaient et, d’aprèsles renseignements que m’apportait la presse et quelquesamis américains qui venaient me voir, il fallait s’attendreà une rupture prochaine entre ces deux États.
Si cette rupture était souhaitable à tous points de vue,on pouvait se demander quelle serait la nature et l’im-portance de l’aide que la grande République américaineserait susceptible de nous apporter : son appui moral sûre-ment, son appui financier, très probablement, mais sonappui militaire, quel serait-il? et sous quelle forme s’of-frirait-il à nous?
Tel était mon état d’esprit, quand, le 1 er avril, le prési-dent du Conseil me fit prier de passer à son cabinet. Je merendis le jour même à cette invitation; sans préambule,M. Ribot me fit connaître que le gouvernement désiraitenvoyer à bref délai aux États-Unis une mission qui auraità sa tête M. Viviani, ancien président du Conseil et ac-tuellement garde des sceaux, et il me fit demander de mejoindre au chef de cette mission pour aider au mieux denos intérêts cette tâche importante. Il accompagna cetteproposition de paroles très flatteuses pour moi, me faisantobserver que mon nom était connu dans toute l’Amérique, que la victoire de la Marne était encore présente à toutes lesmémoires, et que nul mieux que moi ne pourrait y repré-senter l’armée française.
Mon premier mouvement fut de refuser. J’éprouvaisune instinctive répugnance à m’éloigner de mon pays etdes miens, dans les tristes moments que nous traversions.Puis, je réfléchis que je ne servais pour l’instant à rien.Avais-je le droit de me refuser à rendre à ma patrie quelquesservices alors que l’occasion s’en offrait à moi? M. Ribot me