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2 (1932)
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MÉMOIRES IIU MARÉCHAL JOFFRE

que cette opinion était, au moment je membarquais,celle qui dominait dans les sphères gouvernementalesfrançaises et au grand quartier général.

A la réflexion, cette idée ne pouvait être défendueun seul instant. Jamais un grand peuple ayant consciencede sa dignité, et lAmérique moins quun autre, ne pourraitadmettre quon incorporât ses citoyens, en parents pauvres,dans les rangs dune autre armée que la leur, sous undrapeau étranger.

Il fallait donc aborder le problème de front, sans essayerde se faire illusion sur les difficultés quon rencontrerait,et avec la volonté arrêtée de les renverser. Je connaislAmérique depuis longtemps, je lestime et je laime. Je saisson esprit réalisateur. Avec eux, la suprême habileté con-siste à leur parler franchement, et à leur dire sans détoursce que lon pense.

Ma décision fut bientôt arrêtée. Je résolus de baserma ligne de conduite sur les idées suivantes : montrer auxAméricains quentrés dans la guerre dans une phase cri-tique qui serait, dans une plus ou moins longue échéance,décisive, ils auraient à jouer un rôle à leur mesure. Pourcela, il leur fallait créér de toutes pièces une armée dontnotre expérience nous permettrait de leur tracer le dessin ;il faudrait transporter en France les unités de cette arméeaussitôt quelles seraient prêtes, leur y faire poursuivrelinstruction des cadres et des troupes avec laidedofficiers français, et leur confier aussitôt que possible,sous le commandement dun chef américain, une partiedu front qui irait en sagrandissant, à mesure que leseffectifs américains en France saccroîtraient

Cest dans ce sens que je fis rédiger par mes officiers unesérie de notes que je me proposais de présenter aux auto-rités américaines et qui devait me servir de base dans lesconversations que jallais avoir avec elles.

Pendant que nous naviguions vers louest, nous arri-vèrent par T. S. F. les premières nouvelles de loffensiveque le général Nivelle venait enfin dentamer sur le frontfrançais. Jeus immédiatement limpression que laffaire