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au fourreau et il vaudra mieux tomber en les portant à lamain plutôt que de laisser amoindrir ses droits. » Dansles circonstances que nous traversions, cette phrase àplus d’un siècle de distance s’appliquait avec une éton-nante rigueur à notre situation et nous pouvions affirmeraux descendants de Washington que nous n’avions tirél’épée du fourreau que pour défendre nos libertés et quenous ne l’y remettrions que lorsque nous les aurionssauvées.
Dans ce paysage d’une grandiose simplicité, où Washington a vécu ses dernières années et où il dort son éternel som-meil, il régnait un tel calme que je me souhaitais ce soir-làà moi-même de trouver, quand mon heure viendrait, uncoin de terre où je pourrais, auprès de la compagne dema vie, reposer loin du bruit.
Le 30 avril, j’eus encore une entrevue avec M. Baker,au ministère de la Guerre. A mesure que se poursuivaientces entretiens, je voyais la résolution du ministre se tendrevers la réalisation d’une grande armée américaine. Main-tenant que la conscription était votée, la question deseffectifs ne se posait plus : on aurait plus d’hommes qu’onen pourrait incorporer. Le problème des officiers destinésà encadrer cette armée était plus grave. Si, à la rigueur,on peut faire un soldat en quelques mois, les officiers,surtout dans les grades élevés, et les états-majors ne s’im-provisent pas. Il allait falloir, en utilisant les cadres exis-tants, en mettant à contribution toutes les compétences,en se bornant à enseigner aux jeunes officiers les connais-sances essentielles, créer des cadres qui fissent bonne figureauprès des nôtres et en face des cadres allemands que troisans de guerre avaient aguerris. Le problème du matérielà construire n’était pas moins grave. Je savais, par l’expé-rience que nous avions faite en 1914, qu’une industrie, sipuissante soit-elle, ne se transforme pas du jour au lende-main en industrie de guerre. Il fallait admettre, et c’estce qui s’est réalisé, que l’industrie américaine prendraità son compte tout ce qu’elle pourrait entreprendre et quel’industrie française assumerait la charge des fabrications