L’IMPRIMERIE EN FRANCE AU XV e SIÈCLE
ETUDE SUR SA PROPAGATION DANS LES DIFFÉRENTES VILLES ET SUR L’INFLUENCE EXERCÉE PAR LES TYPOGRAPHES D’ORIGINE ALLEMANDE.
§ I er L’IMPRIMERIE EN FRANCE AVANT 1470.
CONDITIONS DANS LESQUELLES ELLE S’EST ENSUITE PROPAGÉE.
A découverte de l’imprimerie 1 , on l’a dit bien souvent, ne fut pas un fait spontané que rien n’annonçait ou ne faisait prévoir. Les graveurs sur bois, les xylographes, les cartiers, les „chirotypographes“ 2 , etc., usant tous de procédés analogues, étaient de véritables précurseurs. Il serait facile de démontrer qu’en France l’impression au frotton sur des planches de bois était connue et pratiquée de très bonne heure: les cartiers et xylographes de Paris, Lyon, Limoges, Toulouse, pour ne citer que ceux-là, exerçaient une industrie qui n’était plus un secret.
Les choses auraient pu en rester là longtemps sans le génie de Gutenberg, qui créa vraiment l’art typographique. D’autres diront par quelles vicissitudes a passé son invention, quels ont été ses travaux: je ne veux que rappeller ici son séjour à Strasbourg. On sait qu’en 1436 il entreprenait déjà des recherches, qui devaient le conduire à la découverte du nouvel art: il avait fait exécuter certains travaux à l’orfèvre Hans Dünne, sans doute la gravure des poinçons, mais, faute de ressources, il avait dû s’associer avec Jean Riffe, puis avec André Dritzehen & André Heilmann (1438). Ses opérations, qui s’accomplissaient dans le plus grand secret, furent interrompues par la mort d’André Dritzehen etpar l’action que les héritiers, Georges et Claus Dritzehen, intentèrent contre lui (1439). Ce procès, malgré son issue favorable, n’en eut pas moins un effet désastreux, en empêchant la poursuite et la réalisation immédiate des projets de Gutenberg.
Si je rappelle ces faits, c’est qu’ils me paraissent avoir un rapport direct avec ceux qui se passèrent quelques années plus tard en Avignon 3 . Le procès de 1439 avait fait du bruit, ne serait-ce qu’à Strasbourg; des indiscrétions avaient été commises, peut-être les ouvriers de Gutenberg avaient-ils été eux-mêmes infidèles. Toujours est-il que plusieurs personnes au moins durent avoir quelque intelligence de ce qui se préparait. Procope Waldfoghel 4 , l’orfèvre de Prague, qui se trouva en Avignon de 1444 à 1446 5 , fut très probablement de celles-là. A l’imitation de Gutenberg, il forma une association avec le serrurier-horloger Girard Ferrose, le juif Davin de Caderousse, Georges de La Jardine et les étudiants Manaud Vitalis et Arnaud de Coselhac. Chacun d’eux, toujours comme les compagnons de Gutenberg, lui donna une certaine somme pour apprendre son art çt participa à la constitution d’un fonds social pour la fabrication du matériel. A Avignon, comme à Strasbourg, on fit promettre aux initiés de garder scrupuleusement le secret et s’engager à ne pas s’en aller sans laisser à la société toutes les pièces qui seraient en leur possession: en cas de départ, ils n’auraient droit qu’à la restitution de leur apport en argent. Cependant si, à Strasbourg, Gutenberg réussit à rencontrer de riches commanditaires, il n’en fut pas de même de Waldfoghel, qui n’eut affaire qu’avec des gens peu fortunés et n’arriva pas à recueillir des fonds suffisants pour se lancer dans une grande
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