124 MÉMOIRES DU MARÉCHAL JOFFRE
La discussion fut confuse, et n’aboutit pas à des con-clusions nettes : la question des effectifs à engager dans lanouvelle opération ne fut pas réglée. Le problème du com-mandement fut résolu par une formule d’une dangereuseélasticité : entre les généraux anglais et français agissantchacun sur une rive d’un étroit bras de mer, il y aurait« liaison complète et indépendance absolue ». Enfin, on con-vint que l’affaire ne pouvait être entreprise avant les offen-sives en préparation en France , et que les amirautés setiendraient prêtes à effectuer le transport des troupes àpartir du 10 octobre.
Ce dernier point était réglé. Le ministre de la Guerre, aunom du gouvernement, me prescrivit, le 14 septembre, deréunir à Marseille pour la date indiquée, quatre divisionsrelevées du front nord-est.
Je crus de mon devoir d’insister de nouveau.
Le 20 septembre je faisais ressortir que les opérationsen cours ne me permettaient pas de préciser la date exacteà laquelle les quatre divisions demandées pourraient êtreréunies à Marseille . Je transmettais une Note du Comitéd’études de la défense nationale, faisant ressortir les aléasde l’expédition sur la côte d’Asie tentée avec un effectifde six divisions seulement, et attirant l’attention du mi-nistre sur la consommation d’hommes et de munitions quiserait la conséquence de cette entreprise surtout dans lecas vraisemblable où de nouvelles forces se révéleraientultérieurement nécessaires pour y coopérer. « Responsablede la défense du territoire national, j’estime que je mon-trerais une faiblesse coupable en ne signalant pas augouvernement tous les dangers d’une entreprise qui peutporter un coup funeste aux intérêts sacrés dont j’ai lacharge. »
Mais déjà les événements s’étaient chargés d’apporterune solution tragique à ce débat sans issue.
Le 22 septembre, la Bulgarie mobilisait. L’armée fran-çaise d’Orient allait recevoir une destination inattendue.Une fois de plus, l’Entente était devancée par ses adver-saires.